La médiatisation apporte bien souvent son lot de médisances, et Malcolm X n’y échappe pas. Dans son propre camp, la jalousie fait rage et Elijah Muhammad lui-même le calomnie dans son dos.

Après presque douze ans de fidélité et de dévotion envers son mentor, Malcolm entame un “divorce psychologique”, qui débute brutalement avec une révélation fracassante :

Los Angeles, 3 juillet 1963 - Elijah Muhammad, soixante-sept ans, leader des Musulmans noirs, vient d’être accusé par deux de ses anciennes secrétaires d’être le père de leurs quatre enfants… Ces jeunes femmes, âgées de vingt à trente ans, lui intentent un procès… Mlle Rosary et Mlle Williams affirment avoir eu des rapports intimes avec Elijah Muhammad depuis 1957.

Une d'un journal de l'époque

En effet, dans la Nation de l’Islam, tout adultère s’avére etre puni d’exclusion. Malcolm le sait car l’un de ses frères en a fait les frais. Médiatiquement isolé, mis de côté au sein même de son organisation, il s’écarte de plus en plus de l’idéologie de “l’Honorable” Elijah Muhammad

Faire de l’ombre à la Nation of Islam conduit a des conséquences immédiates pour Malcolm : un ami intime l’informe d’un complot consistant à faire exploser sa voiture. Cet évènement, combiné à un besoin de mieux comprendre l’islam orthodoxe, le conduit à la ville sainte de La Mecque afin d’y effectuer le pèlerinage religieux.

Il expérimente alors une fraternité qui ne connaît pas les différences de couleurs ou de rang social. Sur place, il écrit de nombreuses lettres destinées à sa femme, à sa soeur, au fils d’Elijah Muhammad avec qui il conserve d’excellentes relations, ainsi qu’aux assistants de sa nouvelle mosquée.

Ce voyage de plusieurs jours bouscule fondamentalement les certitudes de Malcolm X et va modifier définitivement son analyse du problème racial aux Etats-Unis. Après cette nouvelle mutation, il revient aux Etats-Unis sous le nom de Malik El-Shabazz et condamne désormais le racisme anti-blanc de la Nation of Islam.

Il m’est arrivé par le passé de condamner en bloc tous les Blancs. Je ne le ferai plus jamais. Car je sais maintenant qu’il existe des Blancs sincères, capables de se conduire envers l’homme noir comme des frères. Le véritable Islam m’a appris qu’il est aussi érroné pour un Noir de condamner tous les Blancs que pour un Blanc de condamner tous les Noirs

Malik El Shabazz

Malik El-Shabazz va adopter une position résolument panafricaniste et ouverte à l’internationale. L’idée de créer son propre mouvement nationaliste noir s’impose à lui. Il fonde alors “l'organisation pour l'unité afro-américaine”, à New-York, toujours destinée aux Noirs américains, mais qui ne se limite plus à une seule religion.

Sa priorité est l’union des Noirs, qu’importe leur confession, à travers le rapprochement des afro-américains et des pays africains.

Mon organisation s’assigne pour objectif de contribuer à l’avènement d’une société où Noirs et Blancs puissent être vraiment frères. Il fallait donc, pour commencer, faire oublier l’ancien Malcolm X, le “Black Muslim”

Malik El Shabazz

La tension avec Elijah Muhammad et la Nation de l’Islam ne cesse de s’amplifier : sa maison fait l’objet d’un attentat à la bombe, plusieurs appels anonymes le menacent de mort...

Je me réveille tous les matins sachant que j’ai gagné un jour de plus. Je vis comme un mort en sursis. Aussi voudrais-je vous demander un service. Quand je serai mort pour de bon - je le dis parce que je sais que je le serai quand ce livre paraîtra - quand je serai mort pour de bon, lisez bien les journaux. La presse blanche identifiera Malcolm X à la “haine”. Vous verrez.

Malik El Shabazz

à quatre siècles de racisme conscient de la part des blancs. Mais si le racisme américain mène au suicide,Jamais je n’ai connu d’hospitalité aussi sincère, de fraternité aussi bouleversante que celles des hommes et de femmes de toutes races réunis sur cette vieille Terre Sainte, patrie d’Abraham, de Mohamed et des autres prophètes des Saintes Écritures.

Jamais je n’ai été honoré comme ici. Jamais je ne me suis senti plus humble et plus digne.

L’Amérique a besoin de comprendre l’islam, parce que c’est la seule religion qui ignore le racisme. Ce pèlerinage m’a obligé à réviser certaines idées qui étaient miennes, à rejeter certaines conclusions auxquelles j’étais parvenu.

Au cours des onze journées que j’ai passé ici, dans le monde musulman, j’ai mangé dans le même plat, bu dans le même verre, dormi dans le même lit (ou sur le même tapis) j’ai prié le même Dieu que mes coreligionnaires aux yeux les plus bleus, aux cheveux les plus blonds, à la peau la plus blanche. Dans leurs paroles comme dans leurs actes, les musulmans “blancs” sont aussi sincères que les musulmans “noirs” d’Afrique nigériens, soudanais, ghanéens.

Nous sommes véritablement frères. Parce qu’ils croient en un seul Dieu, ils excluent toutes considérations de race de leur esprit, de leurs actes, de leurs comportements.

J’ai pensé en les voyant que si les Blancs américains admettaient l’Unicité de Dieu, ils pourraient peut-être admettre l’unicité de l’homme et ils cesseraient de s’affronter, de nuire à autrui pour des raisons de couleur.

Le racisme étant le véritable cancer de l’Amérique, nos » chrétiens » blancs devraient se pencher sur la solution islamique du problème ; solution qui a fait ses preuves, et qui pourrait peut-être intervenir à temps pour sauver l’Amerique d’une catastrophe imminente. Celle-la même qui s’est a abattue sur l’Allemagne raciste et qui finit par détruire les allemand eux-mêmes.

Chaque heure passe ici en Terre Sainte m’a permis de mieux comprendre le problème racial en Amérique. On ne saurait blâmer le noir pour son agressivité dans ce domaine. Il ne fait que réagir je crois que les jeunes blancs de la nouvelle génération, ceux des de malcolm universités, verront ce qui crève les yeux. Je crois que nombre d’entre eux opteront pour la vérité spirituelle. C’est le seul moyen qu’ait encore l’Amérique d’éviter le désastre.

MAlik el Shabazz